L’importance d’être Constant ou comment se marrer au théâtre

J’ai assisté à la comédie si reconnue d’Oscar Wilde L’Importance d’être Constant au Théâtre du Nouveau Monde. Connaissant l’auteur pour l’avoir déjà lu, et aussi pour sa réputation sulfureuse, je m’attendais bien sûr à des dialogues croustillants et pleins de finesse dans cette pièce mise en scène par Yves Desgagnés. Et je n’ai pas été déçue!

Par exemple, la cinglante Lady Bracknell (traditionnellement jouée par un homme, ici un Raymond Bouchard qui excelle dans l’art d’incarner une vieille aigrie) illustre parfaitement l’ironie et le cynisme désopilant de cette œuvre avec sa réplique : « L’ignorance est comme un délicat fruit exotique ; si on le touche, son bel épanouissement se flétrit. »
L'importance d'être Constant au TNM. Crédit photo : Yves Renaud
Double vie à la campagne et la ville

Les deux gentlemen et amis Jack Worthing (Maxime Dénommée) et Algernon Moncrieff (Vincent Fafard) mènent chacun une double vie afin de se soustraire à leurs responsabilités sociales et faire ce que bon leur plaît sans avoir à se préoccuper de l’étiquette. 

Le premier s’est inventé un frère dépravé à la ville du nom de Constant, tandis que le second échappe aux réunions familiales en affirmant se rendre au chevet de son ami malade, Bunbury, à la campagne. 

Leurs doubles vies respectives sont menacées lorsque Jack tombe amoureux de Gwendoline Fairfax (Anne-Élisabeth Bossé), et Algernon de Cecily Cardew (Virginie Ranger-Beauregard)

Une critique de la société (moderne!)

Toutefois, si cette comédie est pleine de rebondissements tous plus hilarants les uns que les autres, il s’agit aussi d’une vive critique de la société victorienne à la morale hypocrite. Dans l’un de ses aphorismes, Wilde faisait remarquer qu’il y avait des moments où il fallait choisir entre vivre sa propre vie, pleinement, entièrement, complètement, ou traîner une existence dégradante, creuse et fausse que le monde, dans son hypocrisie, nous impose.
L'importance d'être Constant au TNM. Crédit photo : Yves Renaud
Toujours avec beaucoup d’humour, le ton de la pièce est donné. Personnellement, voir un homme qui joue une Lady est non seulement drôle, mais m’apparaît aussi comme une dénonciation des apparences. Cette pièce est un classique résolument moderne, puisqu’on peut la comparer à la situation économique, écologique et politique actuelle du Québec, du Canada et même du monde. 

Par exemple aujourd’hui, les gouvernements des pays développés s’impliquent pour le respect de l’environnement, pourtant nombreux sont ceux qui soutiennent le projet d’oléoduc Keystone XL. C’est aussi valable quand on voit des politiques soumis à des enquêtes judiciaires sur des éventuels faits de corruption!

Une pièce très « british »

Selon moi, le texte de Normand Chaurette démontre, lui aussi, un parallèle avec le Québec, entouré par l’anglais. En effet, le traducteur a laissé, dans son processus de traduction, des marques de la langue de l’auteur, comme les shortcakes, pâtisseries consommées durant le tea time.

J’avoue que, d’abord, j’ai été déconcertée par cette prise de position artistique qui peut choquer certains fervents défenseurs de la langue française si spécifique au Québec. Puis, je me suis laissé prendre au jeu et délectée de l’accent british très guindé des acteurs.
L'importance d'être Constant au TNM. Crédit photo : Yves Renaud
Mais il n’y a pas que l’accent des acteurs qui est british : le décor, à la fois énorme et minimaliste, aussi. Une tasse de thé géante sur son assiette trône sur la scène. 

Parfois accompagnée de sa cuillère à thé et de son biscuit (eux aussi géants), elle change de motif selon que la scène se déroule à la ville ou à la campagne. La mise en scène n’est pas seulement imposante visuellement, elle nous transporte aussi chez les Anglais de la haute société en un coup d’œil. 

Un classique à portée de tous

L’importance d’être Constant est présenté pour la première fois au Québec et ça vaut vraiment le coup d’aller voir cette pièce. L’humour et les jeux de mots d’Oscar Wilde sont très abordables, la mise en scène est superbe, et le jeu des acteurs est sensationnel. Et puis, c’est franchement drôle!


Jusqu'au 5 décembre
40$ étudiants et 55$ régulier

Alafia Tahaibaly, chroniqueuse invitée.

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