« L’Art de la fugue », une fuite insaisissable


Les finissants de l’École nationale de cirque de Montréal présentent en ce moment deux spectacles sur la piste de la Tohu nommés «Les Étinceleurs» et «L’Art de la fugue». Des représentations annoncées comme appartenant au cirque de haute voltige. Je ne parlerai ici que du second, le seul auquel j’ai assisté.

L'Art de la fugue, Roland Lorente© 

Se rendre au cirque, c’est allé chercher l’émerveillement, le tressaillement, la surprise, les «Ooooh » et les « Aaaah » soufflés d’une même voix par une assemblée conquise. Malheureusement, lors de cette première représentation de «L’Art de la fugue», les seuls frissons ressentis furent pour ma part ceux de la peur de voir ses artistes se blesser. Pas du fait qu’ils exécutaient des figures extraordinairement dangereuses non, mais simplement parce que leurs mouvements n’étaient pas assurés, parce que leurs corps et leurs bras semblaient branlants, parce que les déséquilibres et les ratés étaient assez flagrants pour déstabiliser les spectateurs aussi.

Je reconnais la performance physique de chacun des membres de la troupe présent ce soir là. J’ai également conscience que ces humains ne sont pas des machines, d’autant plus qu’il s’agit de finissants. J’ai d’ailleurs beaucoup aimé certaines démonstrations de force comme le mât chinois, le trapèze fixe et le trapèze danse. Mais dans l’ensemble tout cela ressemblait effectivement davantage à un spectacle de fin d’année où tous présentent leur spécialité, les uns à la suite des autres, sans fil conducteur pendant plus d’une heure et demie.

Le doute est palpable dans les applaudissements aussi. Les spectateurs lancent parfois quelques claps pensant voir arriver la fin d’un numéro, mais il s'agit en réalité d'une vaine tentative de suspens et la démonstration continue en s’essoufflant. Le lancé d’un chapeau manqué, la saisie d’une corde échouée ou encore un diabolo échappé nous laissent dubitatifs : s’agit-il d’humour ou de malheureux ratés? On finit par ne plus trop savoir quand il faut applaudir et les encouragements sonores se font de moins en moins vigoureux. Petit à petit, les applaudissements semblent davantage féliciter l’artiste pour avoir exécuté son numéro jusqu’au terme plutôt que pour la performance en elle-même.

L’espace est bien occupé et la scénographie est réussie. Le peu d’accessoires utilisés renforce la présence des acrobates. De nombreuses fois au cours de la représentation, le reste de la troupe vient en force et en nombre soutenir visuellement la performance d’un artiste. Immobiles ou chorégraphiés, leur présence est accentuée par les éclairages ou la mise en scène. Malheureusement, ce jeu d’acteur relayé au second plan mériterait d’être d’avantage mis en avant. Ainsi exploité, il semble compléter une scène presque vide, ne se suffisant pas à elle-même. 

La représentation à laquelle j’ai assistée lançait toute une série allant jusqu’au 7 juin à la Tohu. Si jamais ces ratés étaient liés au stress de cette première, j’imagine que les prestations vont allées en s’améliorant mais autrement, j’émets malheureusement un doute sur la capacité de ces finissants acrobates à tenir ainsi sur la longueur.

Je ne vous déconseille pas particulièrement d’aller assister à «L’Art de la fugue», je souhaite simplement vous mettre en garde quant à vos attentes. Ce n’était pas mon premier spectacle de finissants et j’ai peut-être placé la barre un peu haute depuis. Simplement, cette représentation vous divertira sans vous faire voyager dans l’univers époustouflant des spectacles de haute voltige. Si la magie n’y était pas, le cœur même du cirque était bien présent personnifié par le clown lui-même : ce pitre professionnel aura excellé. Les gradins au complet semblaient au moins être d'accord sur ce point.

«L’Art de la fugue» par les finissants de l’École nationale du cirque
Jusqu’au 7 juin 2015 à la Tohu
À partir de 22$



FLORA BIDAUD
Rédactrice web, pupitreuse pour la section culture
Tombée en amour du melting pot montréalais, Flora veut tout voir, tout faire, tout vivre! Adoptant un style proche du gonzo journalisme, elle met des mots sur les émotions pour vous faire partager les expériences qui l’ont fait vibrer.


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