Le corps sans organes: quand le corps de l’Homme est une œuvre collective
Jusqu'au 17 octobre 2015 le MAI (Montréal, arts interculturels) offre gratuitement au public la possibilité de visiter l’exposition intitulée Le corps sans organes. En m’y rendant, je pensais, à cause du titre, que j’allais me confronter à l’horreur de corps démembrés, éviscérés ou ayant subi je ne sais quelle sorte de mutilations insoutenables à regarder. Ce n’est pas ce que vous y trouverez.
Si le constat qui est fait : nous subissons tous des
violences et nous en sommes tous responsables ; est un propos classique,
le traitement quant à lui reste incontestablement original.
Les artistes Payam
Mofidi et Ila Firouzabadi ont voulu nous amener à réfléchir sur le rôle que
chacun d’entre nous joue dans nos sociétés. Comment peut-on retrouver notre
libre arbitre, notre faculté de penser et d’agir librement face à une société
mondialisée qui nous dicte nos comportements et automatise nos réactions ;
une société qui nous rend complices des violences qu’elle fait subir aux
individus ?
C’est au détour
d’une installation interactive intitulée The Sea Smiles from Far Off. Teeth of Foam. Lips of sky [1] que ma propre compréhension a surgi.
Le titre poétique – qui rend hommage au poème de Federico
Garcia Lorca – contraste par la douceur de sa force évocatrice avec le message prodigué
par l’installation elle-même. Cette dernière, ludique dans son approche, a agi
comme un révélateur. Elle m’a permis de conjuguer l’ensemble des expériences
qui provenaient des autres installations.
Le spectateur est
invité à examiner avec ses yeux, ses mains, ses oreilles, ses organes ce qui
lui est présenté. Ce corps, c’est la somme de nos individualités qui se
retrouvent ainsi à collaborer ensemble pour faire surgir le message que les
artistes ont voulu nous communiquer. C’est ainsi que le paradoxe tombe. Nous
devenons les organes d’un corps à la fois singulier et multiple, nous
collaborons ensemble à faire surgir du sens.
Les quatre
installations qui composent cette exposition possèdent les qualités nécessaires
pour fonctionner à la fois comme des œuvres autonomes et indépendantes ainsi
que comme une œuvre unique. Elles sont les organes qui composent le corps de
l’œuvre, elles sont chacune les parties du tout.
Texte : CHARLES AMMOUN, collaborateur invité.
Crédit Photo : payammofidi.com
Jusqu'au 17 octobre
3680, rue Jeanne-Mance, bureau 103
Montréal (Québec) Canada H2X 2K5
[1] “La mer. Sourit au loin. Dents d'écume. Lèvres de ciel.” Le titre de
l’œuvre est tiré du poème La ballade de l’eau de mer
de Federico Garcia Lorca, publié dans Poésies en 1954
aux Éditions Gallimard.
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