Et si c’était l’Amour qui badinait avec nous ?
On ne peut pas toujours écrire une critique
passionnante et savoureuse, si tant est qu’on en soit capable. Il arrive
parfois que l’on soit à peine apte à traduire ses émotions sans pouvoir
partager la beauté des choses. Dans ce cas, il faut se munir d’humilité et
choisir d’assumer la simplicité avec sincérité.
C’est dans cet état d’esprit que je partage
avec vous ma soirée au théâtre avec une des nombreuses résurrections d’Alfred
de Musset. Je parle de résurrection, car, comme
Shakespeare, Molière, Feydeau, Tolstoï, Alexandre Dumas et Oscar Wilde (entre
autres nombreuses plumes de génie), il est des écrivains dont l’histoire et le
message peuvent revivre éternellement, si l’adaptation est bien ressentie et
surtout bien inspirée.
Voici ce que l’on doit à Claude Poissant, le metteur en scène qui a saisi l'essence de la pièce On ne badine pas avec l'amour avec vivacité,
mais aussi une certaine prise de risque dans le choix des acteurs et dans une
mise en scène entre poésie et esthétisme cinématographique.
Dès le lever de rideau, la musique s’impose
comme un des éléments majeurs et la place des personnages s’oriente comme les
pièces d’un jeu d’échecs contemporain. L’histoire est celle d’un père fier de
retrouver son brillant fils à son retour d’études, et de sa virginale nièce à sa
sortie du couvent. Les deux jeunes gens arrivent séparément, chaperonnés par
leurs éducateurs respectifs.
Le patriarche, baron de son titre, projette
d’unir le couple qui semblait tendrement lié depuis leur enfance. Tout semble être
organisé, mais devant la froideur de la pure Camille, le futur mariage semble
plus que compromis. Pourtant, son fiancé Perdican l’attend
patiemment, tel un dû, en profitant de tout ce qui s’offre à lui avec
insouciance, des joies de la nature à la compagnie d'une jolie
paysanne.
Le rejet déterminant de sa promise le
pousse alors à réagir de manière intense, en entraînant avec lui la sœur de lait de Camille dans sa vengeance. Mais rien n’est réellement ce qu’il semble être
et l’amour se cache souvent stupidement derrière la peur de souffrir. Et c’est
ainsi que les conséquences des mauvais choix deviennent tragiques…
Le jeu vigoureux et moderne de François
Ducharme se dote d’une belle dimension passionnée lorsque le héros nonchalant
devient un amoureux blessé. La distance dédaigneuse de Camille, interprétée par
Alice Pascual, retire beaucoup de la sympathie que l’on pourrait lui porter
jusqu’à ce qu’elle se laisse surprendre — un peu tard — par son cœur.
Les interventions des éducateurs, Blazius
et Bridaine (Denis Roy et Martin Héroux) sont les éléments
comiques les plus revigorants de la pièce. Hélas, les passages trop furtifs du
baron ne profitent pas au talent du très bon Henri Chassé.
Cependant, les idées délectables se succèdent:
une rivière « design », des dialogues percutants dans les échanges de
séduction, le chœur (joué par l'excellent Adrien Bletton) qui sert tour
à tour d’accueil caustique comme d’esprit « ange et démon » au héros.
On plonge dans cette histoire, fasciné pour
la millième fois par la tirade « Tous les hommes sont menteurs,
inconstants… » et bouleversé par la force maléfique de l’orgueil qui nous
domine tous, toutes générations confondues. Je quitte le théâtre Denise-Pelletier,
portant le message d’Alfred de Musset et m’assurant de ne plus badiner avec l’amour…
Jusqu’au prochain coup de foudre.
Théâtre Denise-Pelletier
Jusqu'au 24 octobre
RICHARD DES LYS - rédacteur : Installé à Montréal depuis trois ans, Richard est un autodidacte atypique grand consommateur d'arts populaires. Photographe, rédacteur, acteur, chanteur et réalisateur, il ne s'éparpille pas mais est multi-passionné. Instagram | LinkedIn | Lire ses billets
Commentaires
Publier un commentaire